
« it must be the season of the witch »
mix médias, 2013
Exposition collective
« Un nouveau départ en quelque sorte »
La Station, Nice

tentative d’atelier, 2018
Bitter Sweet Symphony
Loin des cloisonnements où s’immiscent parfois d’étroites certitudes, il existe des zones où certains artistes pratiquent l’écart. Manuel Pomar fait partie de ces communautés de croyants qui déplacent les cases pour y développer son activisme artistique. Rentrer en pleine conscience dans son univers prolifique relève d’une excursion sous psychotrope.
Loin des conventions de genre, il développe un équilibre dysfonctionnel. Chaque œuvre fait partie d’un maelström indissociable qui se révèle strate après strate.
Dans une harmonie dissonante, Manuel Pomar imagine une biodiversité dans laquelle le visiteur est invité à s’abandonner. C’est justement l’immersion dans une cave aux trésors qui s’opère, là où les souvenirs font langages communs.
En jouant avec le peu (récupération d’objets dans la rue, objets d’enfance, fleurs séchées…) il replace la notion de suranné dans le champ de l’art contemporain. Dans une croyance de la résurrection, il réanime les formes et les fétiches pour imaginer un théâtre du monde aux émotions primitives. Manuel Pomar bâtit peu à peu son temple, son espace sacré. Son cerveau se livre littéralement à nous, jusqu’à en ressentir l’hyperactivité qui s’y loge.
Qu’il soit peinture, sculpture ou installation, le geste engloutit la pratique et les supports dans une sphère foisonnante. L’exposition s’envisage alors comme une initiation à la recherche, une rencontre avec l’art. La peinture prend à bras le corps les surfaces, les toiles, les oriflammes, les objets chinés pour tendre vers un argot commun. Les dessins quotidiens révèlent un dialecte, un passage d’un projet d’espace à un état d’âme. De l’anglais au français, du croquis d’installation au dessin compulsif, l’artiste rajoute une pierre à l’édifice de ce « joyeux vacarme ».
Tel un concert, nous découvrons les œuvres dans l’arène de l’éphémère, du remix. Habité par la culture underground, Manuel Pomar creuse les sillons d’un morceau de musique dans une création visuelle. Tout s’imbrique dans une harmonie désaccordée. Car il s’agit bien d’un paysage sonore qui se joue ici. De la forme contemplative à un « pogo plastique » les formes se télescopent.
Depuis plus de 11 ans, cet insaisissable faiseur développe sa propre méthodologie autour du recouvrement par la bombe de peinture. Son pouvoir couvrant, sa part de hasard dans la projection, les accidents de tête de buse font de cet outil le prolongement de son esprit. Dans sa volonté de mettre en œuvre des « protocoles faibles », la bombe devient un allié idéal dans cette quête de la non maitrise vers un happening intérieur. Manuel Pomar se joue alors des contradictions pour ne rien cloisonner.
Les éléments du temps, de l’espace et l’implication du visiteur deviennent les socles de cet environnement exalté.
Avec le « bar de l’amertume », l’artiste renforce cette volonté de flouter les frontières. L’esprit des œuvres s’infiltre dans la rencontre avec le visiteur. Cette installation invite à la brève de comptoir, à la nostalgie des rendez-vous passés et des rencontres à venir.
Dans une ébullition de l’intime, dans une recherche d’un chaos émotionnel les expositions / installations de Manuel Pomar tendent vers une agora artistique… catalyseur des instants qui restent, des contradictions à venir.
Ce généreux vertige place les œuvres dans un vortex où le plaisir se joue des codes, où l’émotion reste en suspens dans une explosion silencieuse.
Karine Mathieu
L’art contemporain tous dans le break (le retour) !
Du fait de mes nombreux engagements pour l’art contemporain, ma pratique personnelle a connu quelques éclipses, d’abord au moment du collectif ALP (1999 / 2006) et surtout lors de la transition entre les artist projects ALaPlage et Lieu-Commun entre 2007 et 2010. Je n’ai pu ensuite résister à reprendre une pratique d’atelier et assumer à nouveau ma position d’artiste opérateur. Aujourd’hui, après bientôt 10 ans de reprise du travail, je peux encore à 48 ans me revendiquer artiste émergent.
Pour ma première exposition personnelle en 1998, j’avais écrit à la troisième personne un texte sur mon travail intitulé « L’art contemporain, tous dans le break ». Pour parler simplement, j’avais tout faux, d’abord en ne dissimulant pas que j’écrivais moi-même mes textes tout en ironisant sur cette situation, ensuite parce que la citation du groupe de rap Marseillais I am fut moyennement appréciée. Il semblerait qu’en cette fin de siècle la fusion entre Low et High culture n’était pas encore accomplie pour tout un chacun, dans l’univers parfois conventionnel de l’art contemporain.
Je voulais démontrer deux choses : un engagement personnel et singulier dans mes pratiques (installation, photographies, peinture, etc.) et un positionnement paradoxal, une distance étrange entre l’ultra conviction et une auto dérision salvatrice.
Ma relation à la peinture est complexe. J’essaye en vain de construire un pont fragile entre peinture, volume, espace et image. À l’aide d’objets récupérés, je construis des espaces où j’invite le spectateur à s’immerger dans un univers foutraque où se bousculent les références. Adepte du « tout appartient à tous », c’est de cette façon que je m’inscris dans la mouvance post digitale, privilégiant l’appropriation et la citation.
Mon travail s’est développé depuis entre fascination et répulsion pour l’image. À plusieurs reprises j’ai tenté modestement de faire s’entrechoquer les disciplines, peinture sur objet, image installée. Je ne suis jamais parvenu à produire une œuvre cohérente et homogène. Celle-ci s’alimente de mon travail de commissaire et fait de moi une sorte de DJ plastique épris de liberté et allergique au commerce et au copyright. Je cultive la porosité entre les pratiques et je refuse de me situer dans un rôle défini.
Aujourd’hui, ma peinture est, dans le même temps, impulsive et ancrée dans l’histoire. Une démarche émotionnelle et intuitive, faite de lignes, taches et coulures sur supports trouvés. Ma méthode réside dans le mouvement, l’espace, la rapidité et la réactivité. Une recherche du chaos dans l’acte de peindre pour atteindre un temps suspendu qui définit un espace flottant et sous tension. Une ode au vide, une danse macabre enjouée au bord du volcan. Un vertige assumé, où le fond du gouffre s’anime d’un mauvais goût en ébullition ! Éviter à tout prix les normes et les références trop lisibles, même si la fougue de la peinture américaine abstraite des années 50 est ici convoquée, l’énergie et la culpabilité du bad painting allemand revendiqués, une certaine interprétation de la rigueur de nos chers « Super Surface » (soyons iconoclastes jusqu’au bout !), et l’engagement écologique formel de l’Arte povera ainsi que le statement anti hiérarchie de Kippenberger assumé. Évidemment, en tant qu’enfant des seventies, je revendique totalement la diversité des pratiques et l’assouplissement des catégories créatives issues de l’énergie des nineties ! Je ne ferais pas un énième refrain sur le high and low, mais le combat contre les hiérarchies culturelles ou autres est un leitmotiv dans mes pratiques.
Heurter les certitudes, créer des environnements asphyxiants, ordonnancer un répertoire expansif qui se rejoue d’exposition en exposition, mettre en marche une œuvre qui s’auto alimente et s’auto sample sont les enjeux que je tente de relever dans ma pratique.
Entre générosité et agressivité, je multiplie les tentatives et repousse les vérités, préférant jouer du doute et de l’échec, compagnons contemporains les plus fidèles. Pas d’apologie, pas de révolte simulée, juste une position dans l’art, un investissement personnel et la construction d’une œuvre qui ne saurait avoir de sujet ou de résumé, ni de projet, une lutte positive contre les conventions.
au sujet de mon travail, Manuel Pomar, 2014/2019.