périphérismes 1
Pour la deuxième session de “ + si affinités ” où dix familles reçoivent dix artistes à FIAC, ALaPlage présente l’Hyper ALP.
2001.
Ce collectif de 7 artistes est accueilli par la famille Monroy, propriétaire d’une grande maison. Les espaces inoccupés seront pour eux l’occasion de renouveler leurs investigations dans un espace laboratoire qui sera lieu de vie, de production, de diffusion et de promotion de l’art contemporain.
Ce principe de réappropriation à priori sans parenté avec le milieu de l’art est dans la logique d’un périphérisme qu’expérimente ALaPlage. Leur double identité de collectif d’artistes et d’association de promotion pour l’art contemporain est ici réunie dans une authentique expérimentation du réel. Il est question d’intégrer une démarche plastique dans un contexte particulier, de faire véritablement l’essai d’un travail in situ et in vivo dans un espace et temps donnés. ALaPlage modifie son environnement en scène artistique consumériste, labellisé Hyper ALP. Collectivement, les artistes apposent le sigle ALP, leur marque, sur la nourriture, sur les objets utilisés quotidiennement par la famille d’accueil. Divers produits dérivés sont aussi installés et destinés à la vente : des fac-similés ou micros éditions des expositions programmées en 2000-2001 au 37 bis, rue Roquelaine à Toulouse ; des multiples réalisés par des artistes invités (la famille agrandie ! )
Parallèlement à cet aménagement en supermarché de l’art, ALP organise une tournée en camion dans le village, diffusant des jingles, des slogans, à titre de manifeste ! Ces apostrophes ironiques ne se veulent ni propagandistes, ni “ pétitionnelles ”, mais en marge d’une machinerie artistique, en périphérie.
Cette «tournée promotionnelle» est aussi l’occasion pour eux de découvrir les créations des 9 autres artistes, à partir desquelles ils reviendront fabriquer des modèles réduits dans leur atelier laboratoire. Ils samplent et mixent en direct ; l’exposition, la monstra- tion devenant “ médium absolu ” de communication. La distance entre l’artiste et le monde est concrètement réduite à celle de l’échange immédiat, via la parole, le dialogue, le commerce…
La notion d’expérience, au sens d’une action de passage, est fondamentale et nécessaire dans cette esthétique où l’art est pris comme «pratique réactive» et la récupération de l’existant comme socle artistique.
ALaPlage énonce clairement sa position “ d’artistes médiateurs ”, ainsi que la place – ou la fonction de consommateur – qu’il assigne au regardeur.
Conçu comme une «entreprise» génératrice de formes et de situations, l’hyper-Alp fonctionne comme une plu value d’informations. Les valeurs de convivialité et de productivité, sur lesquelles insiste l’équipe, font basculer les conventions muséales vers de nouveaux horizons. À l’heure relationnelle, la “ griffe ALP ” réinvestit l’espace social, économique, politique et artistique dans une perspective de reterritorialisation où l’imagerie actuelle revêt des allures d’»intox» !
La transparence et l’honnêteté de cet engagement artistique, vise simplement à montrer et penser l’art d’une autre façon. Le but étant de déstabiliser les modes de perception stéréotypées, d’en détourner les valeurs marchandes, évènementielles… dans une dynamique alternative qui oscille entre la représentation et la falsification du vrai.
Les préoccupations d’ALaPlage sont manifestement ancrées dans une contemporanéité immédiate et font état d’une démarche collective qui réfute tant l’expérience solitaire du réel que l’abandon aux sirènes du système !
Chantal Vey, pour l’exposition SOLO GLOBAL, le bbb à Huesca, Centro de Arte el Matadero, 2001.
1 Terme emprunté à Paul Ardenne, à ce sujet cf. PRATIQUES CONTEMPORAINES, L’art comme expérience et L’ART DANS SON MOMENT POLITIQUE.
Potlatch à Lectoure ALaPlage joue le jeu.
Le terme de Poflatch signifie une place, celle d’où l’on se rassasie, se nourrit, celle qui détermine une situation de consommation. Cette notion est au cœur des échanges économiques et symboliques que l’on nomme le don. Mais le don est un défi, celui d’être équivalent entre le donataire et le receveur. La gratuité du don n’existe pas. Le Collectif À La Plage (ALP) présent pour l’été photo- graphique de Lectoure (2001) expérimente des procédures d’échanges sur deux lieux. Le premier est le marché de Lectoure (20 & 27 juillet), le second la vitrine d’une boutique désaffectée dont l’accès reste condamné. Sur le marché, ALP accueillera à leur stand les habitants en proposant, à la vente et au dialogue, des objets dérivés d’œuvres d’artistes indépendants du collectif. Sur la vitrine, le collectif est présent toute la durée de la manifestation. Mais contrairement à l’action menée sur le marché, ALP se manifeste par traces (de ce que fut l’échange sur le marché), slogans et affiches exposant d’autres artistes présents à Lectoure pour l’été’.
ALP est dans le jeu de l’échange avec tout le sérieux que l’on suppose lorsqu’on déplace l’art au-delà de ses frontières habituelles. ~tre dans le jeu n’est pas une métaphore, bien au contraire, c’est d’un engagement dont il est question. Comment accorder à un jeu une portée sociale et artistique? ALP propose l’interaction dans l’échange en posant l’enjeu jusqu’à sa propre mise en repré- sentation. Entrer dans le jeu, c’est avoir un rapport non seulement avec le collectif mais avec des propositions qui relèvent de l’art contemporain. C’est aussi participer à l’illusion du jeu : un stand de marché, échange économique et de paroles pour prendre la mesure de l’ambition de cette relation. Avec les artistes d’ALP, nulle doute que leur lieu est celui d’une consommation aux airs clinquants et empruntés. Mais là où l’on pense consommer un produit, on consomme autre chose. ALP monnaie son produit, mais en dernière instance, ce qui s’achète est la trace d’une
rencontre. L’achat devient secondaire, le don est dans l’échange d’une parole et d’une autre. Pour être dans cette relation, il faut non seulement enlever les oripeaux, et mettre bas les masques mais s’engager à la hauteur d’une implication à autrui. Si rien du don n’est gratuit, et qu’il n’y a que des agents de transformation pour consommer dans le langage et à travers des objets, alors ALP est le digne descendant de la société de consommation réinterprétant `~à sa sauce» certaines productions de l’art contemporain.
Potlatch à Lectoure : ALP joue le jeu de l’entretien. Une autre manière de parler… d’eux, et de convertir l’action en parole.
Corinne Rondeau, 2001.