CLAP ! Cinéma loves arts populaires !
28-06/02-09/2018
Invité par le Centre d’Art Nomade, Lieu-Commun vous propose une exposition exceptionnelle d’un choix d’œuvres des collections du MIAM et de la Pop Galerie de Pascal Saumade, ainsi que des productions spécifiques.
Ce choix d’œuvres autour du cinéma nous offre un parcours où affiches ghanéennes, maquettes de film de Michel Gondry, objets d’artisanat mexicain, film de Guy Brunet et memorabilia en l’honneur d’Elvis Presley côtoient les nouvelles productions des artistes Camille Lavaud et Mademoiselle Kat et des affiche d’Hervé Di Rosa.
Lieu-Commun propose une plongée dans les collections du MIAM et de la Pop galerie, sous l’angle des liens entre cinéma et arts populaires. Ces œuvres aussi diverses que des maquettes de film, des ob- jets de fan-art ou des affiches artisanales de cinéma sont complétés par l’invitation faite à deux artistes, Camille Lavaud et Mademoiselle Kat, de produire de nouvelles œuvres abordant la thématique du 7ième art. Toutes deux, férues de cinéma, explorent des genres aussi divers que le polar ou le cinéma bis. Même si elles sont fascinées par leurs sujets elles les abordent avec une grande liberté de style et une diversité affirmée des pratiques. Chacune d’elles peint des affiches de films fictifs et produit des courts métrages personnels qui retranscrivent avec fidélité leur amour pour le médium cinématographique.
Camille Lavaud explore les tréfonds du polar français façon brume sur le pont de Tolbiac. Elle des- sine des affiches aux typographies efficaces et aux personnages déglingués, à l’aide d’outils qu’elle crée. Elle tourne aussi des bandes annonces de films qui n’existent pas, où règne une ambiance crépusculaire, les paysages de la Dordogne sont omniprésents et les personnages mis en scène semblent tout droit sor- tis d’un film façon Audiard. Mais ici il se passe autre chose, l’atmosphère est teintée de fantastique et les références à l’art sont foison. Camille Lavaud propose un univers qui même s’il se réfère à un genre typé, reste singulier et personnel.
Mademoiselle Kat, une des pionnières de l’art urbain à l’aube des années 90, a peint et repeint les murs de Toulouse et de nombreuses capitales mondiales. Depuis quelques années déjà elle joue dans les marges extrêmes du 7ième art. Le cinéma bis est son terrain de jeu, court métrage, affiches, silhouettes de pin-ups et monstres chamarrés peuplent une pratique protéiforme qui ne cesse de se réinventer. Du manga en passant par le style Tiki elle mixe les sources d’inspirations populaires pour proposer une image de la femme sexy et combattante. Ici le féminisme est pop ! Ses peintures sur les murs des villes, ses interventions dans les cinémas ou les salles de concerts rendent marginale sa position dans l’art, elle va au devant du public pour lui proposer une vision onirique et décalée du monde, où chacun peut devenir son propre héros.
Toutes deux développent un lien très fort à l’enfance et un amour prononcé pour les arts populaires. Leur usage commun de la poésie et de l’irrévérence, n’empêche pas de distinguer leurs pratiques qui relèvent chacune de codes esthétiques radicalement différents. Si Lieu-Commun a déjà travaillé à plusieurs re- prises avec ces deux artistes, nous les réunissons pour la première fois, en cette occasion particulière : la rencontre chorale des arts populaires, du cinéma et de l’art contemporain ! Gageons qu’elles vont en profiter pour nous en mettre plein les mirettes !!!
Cette jouissance visuelle augmentée d’un plaisir sonore que nous offre le cinéma est le moteur à la fois d’évasion et de réflexion sur le monde. Sorte de médium roi, le cinéma déchaîne toute les passions à tel point que même ses origines sont remises en questions.
En effet, il y a débat pour savoir quel a été le premier film de l’histoire du cinéma, est-ce un film fait pour le Kinétoscope d’Edison dès 1893, ou « la sortie de l’usine Lumière », projeté à l’aide du cinéma- tographe en 1895 ? États-Unis ou France, spectateur unique ou projection collective, la question reste en suspend… Pourtant cela semble évident, si plus de 120 ans après, le cinéma rassemble toujours autant de personnes dans les salles, c’est qu’il est une expérience artistique collective ! La salle obscure est un temple, le lieu de culte d’une religion polythéiste, dont les dieux, sont la lumière, le son, l’image et mou- vement. Chacun se projette dans les films qu’il voit ou au contraire s’en échappe, pour se déconnecter du monde. Ce pouvoir immense ne pouvait échapper aux artistes.
Aujourd’hui, internet, les réseaux, l’hypertexte influent et modifient les pratiques plastiques non pas par l’apparition de l’art numérique mais par les changement opérés sur les façons peindre ou sculp- ter ainsi que les sujets abordés. Il y a plus d’un siècle, le cinéma a eu le même effet, les peintres ne sont pas devenus cinéastes, mais le réalisme cessant d’être une nécessité, ils ont pu enfin ouvrir les portes à de nouvelles explorations qui ont permis l’apparition de l’impressionisme puis de l’abstraction. Le cinéma a bouleversé l’art en diversifiant des pratiques. À l’heure où quelques commissariats d’expositions thé- matiques semblent avoir été confiés à des intelligences artificielles et que certaines pratiques artistiques se ghettoïsent volontairement comme si elles étaient mues par des algorithmes aux vues limitées, il est temps de revendiquer à nouveau un commissariat d’auteur subjectif écrit à la première personne, où les œuvres, quelques soient leurs sources, n’hésitent pas à engager un dialogue complexe et constructif.
C’est ce que CLAP ! souhaite revendiquer en mêlant pratiques populaires, objets usuels et œuvres contemporaines.
Du côté du MIAM aussi, la diversité est reine, et le voyage au long cours. CLAP ! vous propose à la fois des objets populaires tels que des piñatas mexicaines à l’image de personnages emblématiques du cinéma Hollywoodien ou des objets destinés aux fans d’Elvis Presley. Nous assistons ici à la fascination qu’exercent acteurs et personnages sanctifiés par le 7ième art. Comme pour prolonger leur existence au delà de l’écran. Comme une nécessité de les extirper de la pellicule pour les immiscer dans le réel, les rendre enfin plus proches, soit pour les sacrifier, comme avec les piñatas, soit pour leur offrir une sacra- lité dérisoire, comme ces assiettes décoratives à l’image du King. Au delà de ces productions usuelles, vous pourrez aussi découvrir des maquettes issues du film «la science des rêves» de Michel Gondry. Notre cinéaste bricoleur poétique proposait dans ce film un univers miniature singulier fait de bric et de broc, ou comment, à l’aide d’objets du quotidien recréer une ville et ses transports en communs. Aérotrain aux capacités visuelles dignes du plus extravagant des travellings !
Le cinéma c’est l’art du faux, la nécessité de faire rentrer dans le cadre les mondes les plus vastes, un jeu permanent de rapports d’échelles et de trompe l’œil.
Le cinéma invente toujours de nouvelles légendes créant de nouveaux panthéons où un petit gars venu du fin fond du Mississippi devient un Roi, tour à tour, marin, cow-boy, prisonnier mais toujours une idole.
Pour compléter cette sélection du MIAM, des pièces sont empruntées à Pascal Saumade de la Pop Galerie. Galeriste et collectionneur, il explore depuis des années les vastes territoires des arts populaires. Visiter ses réserves c’est parcourir le monde par le prisme de sa passion pour les artistes qui s’ignorent.
Ici sont accumulés pagnos de prisonniers chicanos, ex-voto mexicains, blousons de supporters de foot Allemand constellés de patchs brodés à l’effigie de clubs bavarois, j’en passe et des objets encore plus incongrus ! Au delà d’un fétichisme assumé, chaque œuvre sauvée de l’anonymat et de l’oubli est toujours le résultat d’une rencontre et d’une histoire qui elle aussi se colporte d’exposition en exposition. Pascal a été un des premiers à porter son attention vers les peintres d’affiches Ghanéens. Ces derniers ont déve- loppés une pratique singulière au moment de l’essor du support VHS à la fin des années 80. Les séances de projections publiques de K7 piratés étaient annoncés via des affiches artisanales tapageuses. Les peintres travaillaient sans l’aide d’aucun support promotionnel, suite au visionnage du film ils se lançaient dans une interprétation débridé. lViolence, sang et nudité sont légion, l’obectif faire venir le public. Les acteurs de blockbusters testostéronés bien connus comme Schwarzenegger et Stallone, se voient pousser de nouveaux muscles, mais au-delà des réinterprétations des affiches des films Hollywoodiens éclaireurs du soft power américain, les affichistes travaillent aussi pour les productions locales. C’est l’occasion pour nous de découvrir un autre 7ième art peuplé de bandits surarmés, de sorcières serpents aux pouvoirs incroyables et de prêtres de religions obscures secourant la veuve et l’orphelin. Ces portraits biger than life, sont peints sur des supports précaires, des sacs de riz en toile rêche recouverts par les couleurs qui tombent sous la main de l’artiste. Une production unique en son genre, aujourd’hui conservée par quelques rares collectionneurs.
Vous pourrez aussi profiter de quelques pièces de l’incroyable Guy Brunet. Fils de projectionniste, cet artiste autodidacte Aveyronnais a créé la société de cinéma fictive Paravision à travers laquelle il réalise des films où les acteurs sont remplacés par des silhouettes en carton peint. C’est en grandissant dans le cinéma de son père qu’il a développé cet amour sans limite pour le cinéma, peignant dès l’enfance au dos des supports de promotion des films, ses propres affiches. Sa touche, teintée d’une certaine naïveté est supportée par un trait acéré qui produit chez celui qui contemple ses œuvres une émotion intense. Ces silhouettes d’acteurs ont toutes un regard perçant qui vous scrute avec malice et espièglerie.
CLAP ! vous fera voyager dans des mondes multiples où bon goût et mauvais goût n’existent plus. Le white cube oubliera son vertige stoïque pour nous faire tomber la tête première (le cœur en premier) sur un plateau de tournage chaotique où figurants et stars se mêlent, créant une tornade narrative aux dimensions exponentielles.
Vous n’êtes pas sans savoir que Lieu-Commun s’est toujours appliqué à effacer la synonymie banale de son nom afin d’en souligner la dimension collective. Lieu-Commun est le lieu de tous les arts. Nous boxons dans la catégorie art contemporain, mais depuis 20 ans nos murs ont accueilli autant les arts numériques, urbains et la bande dessinée que tout autre territoire de l’art. Ces catégories, par instinct grégaire, ont parfois tendance à se regrouper sans oser venir se frotter aux autres pratiques. Les réflexes communautaristes de notre société ne devraient pas se retrouver dans l’art car, celui- ci, à l’image du monde est vaste et pluriel, il est le lieu de toutes les altérités. Pour maintenir cette capacité de liberté, il faut aménager les espaces propices aux mélanges et aux télescopages, du choc naît toujours l’énergie vitale ! C’est ce que nous propose CLAP ! avec son casting multi-sources !
La rencontre entre le MIAM, territoire des arts modestes, et de Lieu-Commun, artist run space, ne peut produire qu’une étincelle propice à une diversité multiple, déclinée ici sous les hospices de l’art le plus populaire, le cinéma, celui qui, créateur d’histoires originales, propose à nous spectateurs une échappatoire à une planète aux perspectives parfois trop terre à terre.
Manuel Pomar.